Commémorer un être cher décédé, c’est le garder présent dans notre esprit. C’est partager un moment avec ses proches, sa famille ou même seul lors d’un recueillement. Cela peut se dérouler de différente de manière, en apportant des fleurs sur une sépulture ou en consultant des objets, photos et lettres ayant appartenu au défunt. Il est aussi possible d’effectuer une sorte de pèlerinage lors des dates anniversaires en revenant sur des lieux symboliques. D'autres opteront pour des célébrations qui peuvent nous sembler plus originales, mais qui revêtent une signification particulière à leurs yeux. Dans tous les cas, ces commémorations constituent des rituels réconfortants.
Chaque culture honore ses morts à sa façon
S’intéresser à la mémoire des morts et aux différentes manières de les honorer peut nous sembler étrange. Pourtant, c’est une coutume très répandue, et si l’on observe de très grandes variations en fonction des religions et des cultures, il n’en reste pas moins que l’humanité aime à honorer et commémorer ses morts, rappelant ainsi ses origines et son héritage, tout en accordant une place à ceux qui nous ont quitté.
Honorer les morts ne date pas d’hier. Déjà dans l’Ancien Empire égyptien, on s'interrogeait sur la vie après la mort. Les pyramides sont en effet des sépultures gigantesques érigées du vivant d’un pharaon afin de lui octroyer la vie éternelle dans l’au-delà tout en affirmant sa prospérité et son influence sur le monde des vivants. En Amérique du Sud, à l’époque préhispanique, les Aztèques conservaient les crânes de leurs ancêtres comme des reliques et les emportaient avec eux au cours de leurs déménagements afin de manifester leur respect et d’attirer les bonnes grâces des esprits.
Ces traditions n’ont jamais disparu et se sont transmises de génération en génération. En Afrique par exemple, où la tradition orale est très forte, il existe des individus, souvent réputés pour être en contact avec les esprits, qui se chargent de transmettre l’histoire ainsi que le souvenir de ceux qui nous ont quittés. Leurs noms varient d’une région à l’autre, mais leur fonction reste la même, s’assurer que l’on n’oublie pas ce qui s’est passé, ceux qui ont vécu avant nous, et ce qu’ils nous ont laissé en héritage.
Les cérémonies funéraires tout comme les commémorations sont diverses et revêtent parfois des formes inattendues. À Madagascar par exemple, on procède à une cérémonie de retournement des morts, autrement appelée « famadihana » tous les 7 ans, qui consiste à déterrer la dépouille afin de l’honorer par une grande danse rassemblant l’ensemble de la famille avant de procéder à son réenfouissement. Les Shintoïstes installent des autels directement dans leur maison et y brûlent de l’encens régulièrement en offrande à leurs ancêtres tandis qu’au Mexique, les familles consacrent les deux premiers jours de novembre à fêter leurs morts.
Si certains, comme les animistes, pensent que les morts continuent de vivre à leurs côtés, beaucoup de religions affirment que l’on rejoint après la mort des sphères nouvelles totalement séparées de la vie terrestre. Dans tous les cas, quelles que soient nos croyances ou notre religion, nous envisageons la mort, le deuil et les commémorations via des rites fortement ancrés. Et même si chacun réagit différemment à la perte d’un être cher, il semble que procéder à ces rituels funéraires nous aide à décharger la douleur et à honorer la mémoire du défunt.
Qu’en est-il des cérémonies commémoratives en France ?
Les premiers tumulus de tombes sommaires, dans lesquels des objets du quotidien étaient également enfouis, rappellent que nous sommes depuis très longtemps, soucieux du devenir de nos défunts.
Dans les traditions judéo-chrétiennes majoritaires en France, le lien aux morts est également très important. Les cimetières ont été construits à proximité de l’église, non seulement pour affirmer la protection de l’Église aux morts, mais aussi dans le but de faciliter les visites et donc les honneurs faits aux disparus. La fête des morts, date de commémoration de l’ensemble des fidèles défunts, a lieu le 2 novembre, juste après la Toussaint. Elle a été inscrite dans le calendrier liturgique au 13e siècle afin d’exhorter Dieu à délivrer les âmes du purgatoire. Si la pratique des religions chrétiennes en France a fortement baissé et que les usages ont beaucoup évolué avec le temps, la date reste inchangée. À cette occasion, on voit les familles se réunir sur les tombes des êtres aimés afin de se recueillir. Les sépultures sont alors nettoyées et fleuries.
On sait à quel point le deuil est un processus douloureux. Néanmoins, chacun s’approprie cette mémoire et honore ses défunts à sa manière. En effet, les familles sont de plus en plus multiculturelles, et nos proches sont parfois enterrés loin de notre lieu de résidence. Ces éloignements idéologiques et géographiques peuvent conditionner des comportements divers. Certains vont afficher des photos des personnes disparues et les fleurir lors de dates anniversaires. D'autres vont préférer la date de naissance pour honorer le disparu. Pour les artistes, écrivains, compositeurs et hommes d'État qui ont marqué l’histoire, c’est généralement cette date qui est mise à l’honneur. Enfin, raviver le souvenir peut passer par des activités plus intimes et personnelles, comme un simple repas partagé avec des proches qui partagent notre peine.
La symbolique de ces réunions n’en reste pas moins similaire : repenser, avec respect, à la personne décédée ; évoquer des aspects de sa vie et de sa personnalité qui nous manque ; continuer à faire vivre son souvenir. C’est une manière de se souvenir d’où l’on vient, ce qui a fait de nous ce que nous sommes, ce que les personnes qui nous ont quittés nous ont laissé en héritage.
Des commémorations plus personnalisées
Si le processus de perte a été clairement théorisé par la psychiatre Kübler-Ross qui met en avant différentes étapes qui jalonnent ce parcours, il n’en reste pas moins un cheminement très personnel. Ces étapes, allant du déni jusqu’à l’apaisement et la résilience, en passant par la colère ou la négociation, ne sont que des propositions qui nous permettent de nous projeter plus sereinement.
Certains d’entre nous réaliseront ce parcours de manière réconfortante dans un laps de temps relativement rapide. D’autres au contraire auront du mal à avancer, voire reviendrons vers des états qu’ils ont déjà traversé auparavant, pouvant laisser croire qu’il régresse sur le chemin de l’apaisement. Il n’en est rien.
Le parcours et les besoins de chacun ne doivent en aucun cas être jugés ou comparés. Chacun se doit de trouver, ses propres outils, ses propres rituels pour soulager la douleur d’une perte. Il est important de mesurer leur importance, de se les approprier et de les partager afin de mieux vivre. Que cela passe par des commémorations collectives, un recueillement personnel, ou le soutien de professionnels dans l’accompagnement au deuil.